Histoires

 

La nuit dernière je ne dormais pas. Alors j'ai voulu me raconter une histoire. J'avais assisté la veille à une lecture publique. Une conteuse emportait l'auditoire dans un univers poétique, aidée en cela par la douceur et la légèreté de sa voix. J'ai toujours aimé écouter des histoires. J'ai des souvenirs précis de ces moments où on se glisse avec délice dans un autre monde. Je n'ai pas oublié le plus ancien, à quatre ans, «  La petite poule rousse ». Ma mère assise, un livre sur ses genoux, moi debout, la main posée sur le bras du fauteuil en rotin. Je gratte un peu la tresse rugueuse pour détacher le petit bout qui dépasse, machinalement, sans y faire attention. J'ai toujours aimé écouter des histoires. À la radio plus tard. J'aime la radio. J'aime écouter les gens parler. J'aime les voix. Pas toutes bien sûr. Et je n'aime pas toujours ce qui se dit à la radio. Mais les voix m’intéressent. Et j'aime les histoires. Celles qui sont inventées, ou les vraies, celles qui ont été vécues par de vrais gens dans la vraie vie. Il faut quand même qu'elles aient quelque chose de particulier, un ton, un univers, une ambiance. Encore que... certaines voix pourraient me lire le bottin, le petit Larousse ou le guide de la cueillette des champignons en Basse Normandie, j'aimerais les écouter. Je crois que je pourrais être amoureuse d'une voix. Et si cette voix me raconte une belle histoire alors là je ne touche plus terre. J'aime écouter des histoires. Les lire c'est bien, mais c'est pas pareil. Manque la voix. J'aime moins le cinéma. Trop d'images sans doute. Je préfère les imaginer. Je ne sais pas pourquoi j'aime écouter des histoires. Peut être parce que je ne sais pas en inventer. Ou que les miennes ne sont pas drôles. Ou qu'elles me laissent clouée au sol. Ou qu'elles me font peur. Et puis il faudrait que je me les lise et je ne crois pas que ma voix me plairait. Je suis toujours étonnée quand j'entends ma voix. Je ne la reconnais pas. Alors vous pensez... si elle me racontait une histoire, ma voix, à condition déjà que j'ai réussi à en inventer une, eh bien je n'y croirais pas du tout, mais alors pas du tout, du tout !